Disparition de Jean David (1931-2021)

Jean David fut l’un des derniers membres actifs de cette génération de chercheurs français qui ont fait de Drosophila melanogaster un modèle de la génétique évolutive dans les années 70/80. Il a ainsi contribué à offrir une opportunité singulière d'étendre les connaissances accumulées sur la génétique et le développement de cette espèce à l'étude des mécanismes de l’adaptation et de la spéciation.

Jean David a été recruté en tant que préparateur au laboratoire de zoologie à l’Université de Lyon au début des années 50. Il a effectué son D.E.A. puis son doctorat sous la direction de Victor Nigon sur les effets du milieu de nutrition sur la variabilité phénotypique chez D. melanogaster. Après un court séjour en Ecosse, Jean David est devenu professeur de biologie à Lyon, où il a fondé une équipe "Entomologie Expérimentale et Génétique", associée au CNRS. L'équipe a ensuite rejoint le laboratoire de Biométrie, dirigé par Jean-Marie Legay, pour constituer une nouvelle Unité, devenue l'actuelle UMR 5558 "Biométrie et Biologie Evolutive". Au début des années 70, il a collaboré avec plusieurs chercheurs à Gif-sur-Yvette et au Muséum National d’Histoire Naturelle sur l’étude de la faune afrotropicale des Drosophilidae. Dès la fin des années 70, il s'est fortement investi, avec des collègues de Paris et de Montpellier, et avec un fort soutien du CNRS, dans la promotion nationale d'une approche génétique et évolutive de la "Biologie des Populations", contribuant à l'essor d'un domaine encore peu développé en France à cette époque, et dont on connaît le succès qui a suivi.

Suite au décès de Charles Bocquet en 1977, alors directeur du laboratoire Biologie et Génétique Evolutives de Gif-sur-Yvette, Jean David démissionne de l’Université de Lyon, entre au CNRS comme DR1 et est nommé directeur de ce laboratoire. Sous sa direction (1978-1992), il fera de ce laboratoire un « centre d’excellence » de renommée internationale en génétique évolutive de la drosophile. Jean David prendra sa retraite en 1996 mais continuera à travailler à Gif-sur-Yvette en tant que chercheur émérite jusqu’à ce qu’en octobre 2020, la maladie l’empêche finalement de continuer ses expériences sur sa grande collection de drosophiles.

Tout au long de sa carrière scientifique qui a duré presque 70 ans, Jean David a été un travailleur passionné, infatigable, véritable bourreau de travail. Il a publié plus de 400 articles pour la plupart sur la drosophile, traitant de sujets aussi divers que la systématique, la biogéographie, l’écophysiologie, la morphométrie, la plasticité phénotypique, la génétique, le comportement, l’isolement reproducteur et plus récemment encore l’évo-dévo et la génomique. Cette production scientifique considérable, très appréciée, a fait de lui un des principaux auteurs internationaux dans le domaine.

Grand voyageur, Jean David a parcouru le monde pour l’étude des drosophiles. Il a célébré son 80^e anniversaire à bord du Marion Dufresnes durant une exploration des Îles Eparses et il effectua sa dernière mission de terrain, à l’âge de 87 ans, sur l’île de la Grande Comore.

Naturaliste et entomologiste hors pair, expérimentateur d'exception, scientifique rigoureux et intransigeant, impliqué dans les instances scientifiques nationales (CNU, Comité national, INRAE), Jean David a su transmettre son enthousiasme à ses élèves et a dirigé de nombreuses thèses. Plusieurs de ses étudiantes et étudiants ont poursuivi de fructueuses carrières scientifiques en France et à l’étranger. Il était également reconnu internationalement que ce soit aux États-Unis ou en Europe mais également en Russie, en Afrique, en Inde ou au Brésil où il se rendait encore régulièrement.

Ses anciens élèves et ses collègues, fiers d'avoir travaillé avec lui, n'oublieront pas ce qu'ils lui doivent et regrettent profondément ce grand scientifique qui fut leur ami. Ils s'associent pour exprimer leur profonde tristesse et témoigner leur sympathie à sa famille et ses proches.

Les anciens élèves et collègues de Jean David